Lettre ouverte
Lettre ouverte à la rapportrice et au rapporteur de la mission pour le développement d’un fonds d’aide à la création et à l’innovation sonores, François Hurard et Nicole Phoyu-Yedid.
Par plus de cent-soixante artisan·es de la radio, de l’écoute, de la critique et de la création sonore, initialement réuni·es en assemblée générale à Brest le 9 février 2020, à l’occasion du festival Longueur d’Ondes. Les signataires sont investi·es dans les structures suivantes, sans que cela n’engage la signature de ces dernières : Acentrale, Addor (Association pour le développement du documentaire radio et de la création sonore), Arte Radio, Asu (Association sonore et utopique), Beau Bruit, Bricoles - fabrication sonore, canalsud, Le Caso (Collectif des autrices et auteurs sonores d’Occitanie), La CNRA (Confédération nationale des radios associatives), Collectif Rada-Labelle Bleue, Compagnie Ondas, Convergence, Le Creadoc, dB (Dixième de Bel), L’École Louis Lumière, Espaces Sonores, Faïdos Sonore, Fair Play, Fréquence Paris Plurielle, Ici ta Voix, Jef Klak, Jet FM, L'Intempestive, Le Bruitagène, Modulation, Nova, Phaune Radio, ∏node, rAAdio cAArgo, Radio Campus Paris, Radio Déclic, Radio Dedans Dehors, Radio Escapades, Radio Fañch, certain·es de Radio France, Radio Pikez, Radio Station Essence, Résonance sonore, Transmission.
Brest, le 9 février 2020
À quelques semaines du rendu de votre rapport, vous avez regretté lors du festival Longueur d’Ondes, ne pas savoir où trouver les auteurs et les autrices de radio. Nous vous adressons donc ce courrier pour nous présenter à vous et vous faire part de notre volonté de contribuer aux discussions relatives à la constitution et la préfiguration du fonds national de soutien à la création sonore.
Nous sommes là.
Nous existons. Nous sommes à l’écoute du monde et des autres. Nous explorons des espaces d’écoutes et de créations. Nous travaillons collectivement et individuellement, souvent en réseau. Nous sommes les artisan·es de la création sonore et radiophonique, du documentaire, de la fiction, des reportages, des entretiens, du field recording, des balades sonores, du hörspiel, des dispositifs acousmatiques, de l’art radiophonique et sonore, des ateliers sonores, des écoles sonores, de l’écoute, des formations à la radio et à la création sonore, de l’éducation aux médias radios, de la critique sonore et radiophonique, de l’audionaturalisme, des mille formes diffusées à la radio, en podcast, en flux, dans les musées, dans l’espace public, au théâtre, sur internet, dans de multiples autres endroits et sous de multiples autres formats. Toutes nos pratiques fabriquent du commun et nous sommes fier·es d’y contribuer. Nous sommes ensemble et uni·es depuis toujours, riches de nos diversités.
Nous sommes cependant fragiles. Ce que nous élaborons n’est que très rarement rémunéré à la hauteur du temps, de l’énergie et des savoir-faire engagés. Salarié·es, pigistes, intermittent·es, autoentrepreneur·euses, auteur·rices, artistes ou bénévoles, nous demeurons précaires et devons bien souvent tisser des formes de vie complexes entre plusieurs métiers.
La création et l’innovation sonores sont des services publics.
Nous inventons, ensemble et chacun·e à notre niveau, des radios, des émissions, des programmes, des installations sonores, des sites internet, des moments d’écoute et de partage. Nous amplifions l’écoute et la compréhension du monde. Nous sommes tout autant déterminé·es à en faire résonner les violences et les fragilités que les beautés et les solidarités. Les auteur·rices, de par la singularité de chacune de leurs œuvres sonores, sont les garant·es d’expressions sonores protéiformes, détachées des contraintes d’une normalisation industrielle.
Nous sommes les expert·es de nos propres métiers, dont nous voulons pouvoir vivre.
Nous avons longtemps rêvé d’un fonds de soutien qui nous permette des temps longs d’écriture comme de production, et qui nous assure des ressources et une indépendance vis-à-vis des formats comme des diffuseur·es. Nous nous réjouissons donc de votre initiative, et de l’espoir qu’elle fait naître. Mais pour que ce fonds bénéficie pleinement au dynamisme des expressions sonores dans leur diversité, il est selon nous indispensable que les auteur·rices soient directement et longuement impliqué·es dans sa mise en place, et que leur expertise sur leur propre métier soit prise en compte. Nous tenons à préciser qu’une société d’auteur·rices, si elle a son rôle à jouer, ne peut remplir ce rôle à elle seule. Nous nous présentons donc à vous collectivement pour rétablir l’équilibre.
Estimant, vous l’aurez compris, fondamental d’être associé·es aux discussions concernant ce fonds national, nous nous proposons de prendre part activement à la poursuite de vos travaux à ce propos.
En vous remerciant et bien sincèrement,
Les Sons Fédérés
Assemblée des artisan·es radiophoniques et sonores