Communiqué de presse du 7 mars 2020
La théorie du ruissellement ne saurait tenir lieu de politique culturelle
L’assemblée des Sons Fédérés, née en février 2020, rassemble aujourd’hui plus de deux cents artisan·es de la radio, de l’écoute, de la critique et de la création sonore. Nous sommes le podcast, la radio et bien d’autres choses encore, notre assemblée regroupant de façon inédite en France des technicien·nes du son, des auditrices·teurs, des réalisateur·trices, des autrices·teurs, des artisan·es du sonore, dans et hors monde radiophonique, émanant de radios nationales ou locales, de webradios, d’associations, de collectifs, de compagnies. Nous sommes mobilisé·es pour favoriser des expressions sonores vivantes, protéiformes, émanant de multiples pratiques et de structures variées.
Une délégation des Sons Fédérés a été entendue mardi 3 mars 2020 au ministère de la Culture par Nicole Phoyu-Yedid et François Hurard, dans le cadre de leur mission pour la rédaction d’un rapport sur “le développement d’un fonds d’aide à la création et à l’innovation sonores”.
Nous avons d’abord, au cours de cette audition, donné notre analyse du contexte social et médiatique actuel. Nous constatons une baisse drastique des moyens allouées aux secteurs associatifs, aux collectifs, aux radios libres ainsi qu’à la mission création de la radio publique. Parallèlement à ce désengagement de la puissance publique, le secteur du podcast industriel s’affirme.
Nous avons donc mis en garde contre la fascination envers une économie uberisée du son et de la radio, niant la pluralité des expressions sonores, appauvrissant mécaniquement l’écriture du son, précarisant les auteurs·trices et traquant les usages des auditrices·teurs. Il n’est pas envisageable de déshabiller le service public radiophonique, national comme local, pour habiller le podcast industriel et les Gafam, qui n’en ont guère besoin et qui n’ont pas la mission d’irriguer une politique publique de l’écoute.
Nous avons par ailleurs fait état de la formidable constellation d’autrices·teurs sonores et radiophoniques aujourd’hui en France, soutenu·es par un tissu dense de radios associatives, compagnies, studios, collectifs et autres structures. Nous œuvrons depuis longtemps à la constitution d'un fonds pour la création radiophonique et toutes les expressions sonores, qui leur permette enfin de travailler dans des conditions décentes. La préfiguration d’un tel fonds représente une splendide opportunité pour affirmer une politique publique de l’écoute forte, qui se répande sur tous les territoires.
Pour finir, à rebours du “ruissellement” qui nous a été opposé en guise de promesse, nous affirmons qu’il ne s’agit pas de s’en remettre à une théorie abusive qui n’a fait qu’instituer structurellement les inégalités sociales et économiques depuis des décennies. C’est tout un écosystème qu’il s’agit de nourrir, pas quelques uns de ses formats, supports ou modèles à l’obsolescence programmée. Il est urgent d’oser, dans le domaine de la radio et du son comme ailleurs, une politique de l’expérimentation, de la recherche, du temps long, de l’attention et du bien commun.